Azrael est plus petit que moi d'environ une tête et demi, et à voir les traits de son visage, j'imagine que ça ne l'amuse pas du tout. Moi, au moins, ça me rassure. Ça me procure un sentiment de supériorité qui me redonne constance. Ce n'est qu'une illusion, bien sûr, mais ça ne peut pas me faire de mal de me nourrir de mensonges. J'arrive à peine à marcher correctement, ça n'empêche pas mon démon de me prendre par le col et de me déstabiliser. Et ça, pour être déstabilisé, je le suis! Au moment où il nous a téléporter, ou un truc dans le genre, j'ai eu l'impression qu'on s'amusait à me frapper avec un bâton électrique. En arrivant devant le manoir d'Azrael, j'étais tout engourdi et désorienté. Ma vue est brouillée, je ne vois rien avec détails. Je devine la silhouette de mon compagnon à côté de moi, c'est à peu près tout. Il me traîne, toujours en me tenant fermement par le col. J'essaie de prendre une profonde inspiration, qui se bloque à demi et j'entreprends une quinte de toux brûlante. Ce que je respire, ce n'est certainement pas de l'oxygène! C'est quoi, du souffre? On dirait que je respire du feu. Ma tête me tourne deux fois plus encore. Mes jambes ne m'obéissent plus, je manque de tomber au moins quarante fois, et Azrael ne ralentit pas sa cadence pour autant. Je crois qu'il ne s'en rend même pas compte. Je crois... qu'il...sautille à côté de moi? Non, ça doit être ma vue qui est brouillé. J'entends des murmures autour de moi, il y a d'autres personnes avec nous. Est-ce qu'un démon a une famille? Ou bien serais-ce ses domestiques? J'opte plus pour la deuxième option. Il me parle, je n'entends que quelque bout de phrase. '' ...déconseille fort...échapper... type méchant... pire que moi. '' Hein? Bon sang! Je suis vraiment dans un sale état! Je crois que je vais vomir. Azrael me traîne encore sur plusieurs mètres, il ouvre une porte, je crois, et on entre dans une pièce. On s'arrête enfin. Tranquillement le coton de mes oreilles disparaît, ma vue redevient normal, mon mal de coeur s'envole. Mes poumons brûlent encore et je dois encore me tenir contre le chambranle de la porte pour ne pas tomber, mais c'est une nette amélioration comparée à tout à l'heure. "C'est ici que tu dormiras...avec moi." Je perçois quelques couleurs, le grand lit au centre de la pièce, les épées accrochées au mur... Ces dernières n'étant pas rassurantes. Je tourne mon regard vers Azrael qui me demande si j'ai des questions. Je vois enfin les traits de son visage sans qu'ils ne soient flous.

« Est-ce que j'ai une tâche à accomplir ce soir, parce que je suis crevé? »

Je n'attends pas de réponses de sa part, je me dirige directement vers notre grand lit commun. J'écarte les rideaux violets de mon passage et m'y assois. J'ai la très bonne idée de ne pas faire comme chez moi et d'enlever mes chaussures avant de m'étendre. Son lit est confortable et doux. J'aurais envie de me rouler dedans, mais j'ai bien trop mal partout pour oser bouger. Je n'ose pas fermer mes yeux, de peur de perdre Azrael de vue. Parano? Moi?

« Qu'est-ce que je respire exactement? Ça brûle, c'est atroce. »

Alors maintenant j'ai besoin d'une autorisation pour me coucher? Je dois courber la tête et demander si je peux respirer, parler, bouger, dormir? C'est quoi ces saloperies de conneries! Oui, bon, c'est sur que j'ai du mal à assimiler que je suis nouvellement un esclave, ce qui inclus que je n'ai plus aucun droit, aucune liberté à proprement dit. 'Fais chier. Au moins, pour cette fois-ci, je suis autorisé à me reposer. J'espère bien! Je suis vraiment trop crevé, il m'aurait demandé de faire rien que le tour du manoir pour me familiariser, je n'en aurais pas été capable. Mon corps hurle de douleur à chaque foutu frémissement, moindre petits mouvements à peine visibles. Franchement pas la joie, cette téléportation! Et puis, pourquoi est-ce qu'il doit absolument faire si chaud, ici? J'entends de l'eau couler, je tourne ma tête et observe avec étonnement, Azrael se faire un verre d'eau. Ce dernier m'explique la composition de l'air en Enfer; soit du souffre et du dioxyde de carbone en grande quantité, vous savez tous les trucs qu'il faut pas respirer en masse, bah, je respire que ça ici, apparemment. Sympa! Au moins, selon son expertise en la matière, je ne devrais pas développer de maladie au niveau des poumons. Ça serait le comble! Subir un an d'esclavage pour ne plus être malade et retomber malade à cause de la composition de l'air. Je ne peux pas faire autrement que de le croire sur parole, après tout.

C'est curieux, le verre d'eau n'était pas pour lui, mais pour moi, en fait. Il joue les grands méchants démons avec moi, mais, au fond, il n'est pas si ignoble que ça. N'importe quel psychopathe en série m'aurait regardé mourir à petit feu avec délectation. Les plus sadiques auraient fait tomber une goutte d'eau par heure sur ma langue, vous savez, histoire de me rendre complètement dingue. Je prie le verre qu'il me tendait. Je ne le remerciai pas. Ma gorge était si sèche que j'avais peur d'entendre la voix qui allait en sortir. Je calai le verre d'une traite. L'eau froide glissa le long de ma gorge et je sentis tout son trajet tellement la température différait à l'intérieur de mon corps. C'est une sensation particulière. Je la laissai m'envelopper, essayant d'oublier la chaleur infernale ambiante. "Tu es un humain bien curieux...j'ai eu bien des contrats dans ma longue vie et tu es le premier qui a aussi bien accepter son sort. Et...pourquoi t'as pas voulut dire au revoir à ceux qui t’ont permis de voir le jour?" Je plongeai mes iris dans celles d'Azrael. Cela faisait plusieurs fois qu'il insistait sur ce point, pourquoi? Étais-ce vraiment si important à ses yeux? Je n'eus pas le temps de le lui demander que deux femmes entrèrent dans la pièce. Elles s'approchèrent, chacune avec un coffre, et départirent Azrael de ses bijoux. Je n'avais pas encore remarqué qu'il en avait plusieurs sur lui. Qui était-il vraiment, pour être aussi riche et adulé? "Prince, voulez-vous que nous préparions votre nouvel invité pour rejoindre le harem?" J'arquai un sourcil, sans le vouloir. Prince? J'étouffai difficilement un ricanement. La monarchie existe, même en enfer! Eh bien! ....hein? un harem? ah ouais, rien que ça? Je déglutis, attendant la réponse. "Nan...je le garde pour moi tout seul. Préparez-moi un bain." Je soupirai de soulagement. Je ne survivrais pas à une telle expérience! J'attendis que les deux femmes sortent de la pièce pour parler librement.

« Je n'ai pas voulu dire au revoir à mes parents, parce que ça n'en valait pas le coup. Ils ne m'aiment pas, donc pas besoin. »

Ma voix était rauque sous l'état de sécheresse de ma gorge. Mes paupières commencent à se faire lourdes. J'ai drôlement sommeil. Je crois que je n'ai pas encore conscience d'être en enfer, d'avoir vendu mon âme, je n'ai pas encore conscience de tout ce que je perds. Demain, je suis certain de faire une syncope, mais pour l'instant, je suis juste sur un petit nuage... douloureux, mais un petit nuage quand même. Je vais vivre, c'est tout ce qui importe pour l'heure. Ce qui adviendra de ma vie, les conséquences qui s'en suivront, ce sera pour plus tard. Je me ferai peut-être tuer par Azrael, parce que je l'aurai poussé jusqu'au delà de ses limites, mais, tant pis... Je me couche, pour la première fois depuis longtemps, sans avoir envie de vomir du sang partout.

« Est-ce que j'ai l'autorisation spéciale de Sa Majesté pour dormir? »

Ma voix est probablement trop rauque pour que l'on puisse réellement discerner le sarcasme qui s'y cache.

Je suis beaucoup mieux sans vêtements, il fait moins chaud, mais ce n'était pas la peine de réduire le tout en lambeaux. Je les aimais ces fringues, moi! Et puis, qu'est-ce que je vais porter maintenant? Je le laissai me caresser, j'étais trop crevé pour le repousser d'toute façon. La tendresse de ses gestes me laissent perplexe. Des bisous chastes au front, au nez et sur mes lèvres? Je nage en pleine confusion. J'ai bien l'impression que je n'arriverai jamais à comprendre Azrael, d'un instant à l'autre il passe de la tendresse à la violence, comme s'il possédait une deuxième personnalité. Bon, j'y penserai une autre fois, là, mes paupières ne répondent plus de rien et je sombre tranquillement dans les bras de Morphée. Demain, demain, je ferai ma syncope.

Je rêvai. Je me trouvais assis sur le lit d'Azrael. J'étais complètement nu, ou presque, on m'avait affublé de bijoux et autres accessoires érotiques. Étrangement, j'avais froid. Je grelottais, mes lèvres étaient bleus et ma peau très blanche. Mon démon ne se trouvait nulle part, j'étais seul dans la pièce. Puis, la porte s'est ouverte et un homme gigantesque est venu me chercher. Il me serrait si fort le poignet que je grimaçais de douleur. Je n'osais pas me débattre de peur de me casser le bras. Il avançait trop vite pour moi, je trébuchais sans cesse. Il y avait des ombres un peu partout dans les couloirs, elles me regardaient, chuchotaient à mon passage et me pointait du doigt. Ma nudité ne me dérangeait pas autant que les diamants dont on m'avait recouvert. Enfin, on me jeta dans un trou et je tombai dans une eau glaciale. Tout autour de moi, il y avait des hommes et des femmes, accoutrés de la même façon que moi, ils s'approchaient, posaient leurs mains partout sur moi. J'essayais de les repousser, mais mes membres étaient trop engourdis par le froid. Je sentis quelqu'un me pénétrer très fort, je lâchai un hoquet de surprise. En tournant mon visage, j'aperçus les longs cheveux noirs d'Azrael ondulés dans l'eau.

Je me réveillai en sursaut, le souffle court. L'air brûlant de l'enfer me ramena rapidement à la réalité. Le contraste était trop fort pour que je me crois encore en plein rêve. Azrael était endormi à mes côtés. Je l'observai un long moment. Il est plutôt mignon, pour un démon. Un démon... les souvenirs de la veille me revinrent alors de plein fouet. Mais qu'est-ce que j'ai fait putain!? Un an d'esclavage, t'es sérieux là, Skylan? Un an de foutu esclavage! C'était ça le fabuleux pris à payer pour ta sacro-sainte vie. Elle vaut plus rien ta vie, t'en a plus. T'auras même plus d'âme. Et tous tes rêves d'humains, tu peux aussi les foutre aux poubelles. Tu es déjà mort, t'es en enfer, rappelle toi. Cette petite voix dans ma tête avait raison, et j'étais en colère, contre moi-même, contre Azrael, contre tout. Je me levai donc en faisant très attention de ne pas réveiller mon tortionnaire. Il faut absolument que je parte d'ici. Pas question de devenir la putain d'un démon complètement cinglé. Mais comment revenir sur Terre, dites-moi? Tu y penseras plus tard, maintenant, il faut juste que tu sortes d'ici. Aller très très très loin de ce petit démon endormi. Je sortis donc de la luxueuse chambre, malgré mon accoutrement pour le moins inapproprié. Je parcoure les couloirs, tentent de me cacher du regard des domestiques. Elle est où la porte de sortie? La soirée d'hier me semble tellement flou. Je ne me rappelle plus le chemin emprunté pour sortir. Ah! Là! Merde, il y a trop de domestiques. Je reste donc cacher en attendant qu'ils foutent le camp.

Allez, allez, dégagez de là, bande d'idiots!

Ce que j'aime le plus au petit matin, c'est de me faire surprendre par un démon pendant que j'essaie de m'enfuir d'un autre démon, et qu'on parle de moi comme si je n'étais pas là. En tout cas, avec toutes les monstruosités que j'ai fait dans ma jeunesse, je ne vois pas comment mon âme pourrait être belle. Je suis qu'un pédé vulgaire et délinquant, après tout. Peut-être que d'un point de vue démoniaque, c'est toutes mes tares qui me rendent beaux, alors, dans ce cas, je peux comprendre sa réaction. Alors qu'il énonçait à voix haute l'idée de me souiller pour mettre en rogne Azrael, je décidai qu'il était le temps de déguerpir à toutes jambes. Mais, trop tard. Le mastodonte m'avait déjà pris par les poignets et s'amusait à me retirer le seul vêtement que je possédais encore. C'était surement une mauvaise idée, mais dans mon état n'importe quoi ferait l'affaire, j'ouvris la bouche pour hurler le nom d'Azrael. Je n'eus pas le temps, sa voix, soudainement réconfortante, retentit dans le hall. Je n'aurais jamais cru que sa présence me calme à ce point. Toutefois... ça n'allait pas durer. À l'expression du dénommé Kalel, je compris que quelque chose n'allait pas. D'un seul coup, la tête du démon partit en vrille à quelques mètres de son cadavre. Je reçus de son sang en pleine gueule et sur mon torse. Je ne le réalisai pas tout de suite, trop fasciné par le cadavre à mes pieds.

Quand on regarde des films d'horreur, on se dit souvent que les personnages sont ridicules de rester figé devant un cadavre fraîchement tué. Je suis le premier à me dire qu'il/elle devrait plutôt prendre ses jambes à son cou avant d'être le prochain. Le truc, c'est qu'on ne se met pas à leur place. Maintenant, je comprends toute l'horreur que cela peut inspirer. On ne peut pas s'empêcher de fixer avec une fascination plutôt morbide. On s'attend à ce que d'une seconde à l'autre, il se relève. Kalel ne se relèverait pas. Plus jamais. Un calme étonnant m'a envahi. Je comprends maintenant. Je ne retournerai pas sur Terre. Je devais choisir entre la décapitation ou ma mutation en démon. Sincèrement, je n'y arrive pas. La petite voix rebelle s'est finalement tu dans mon crâne. Elle observe, terrifiée, les évènements qui vont suivre.

Je reprends conscience de mon environnement, seulement une fois qu'Azrael me prend à la gorge, de sa main humide et chaude de sang. Je plante mon regard dans le sien, vide de toutes émotions. Je n'ai pas peur, je ne tremble pas, je suis juste... incroyablement calme. Il me hurle à la gueule. Oui, je le sais bien, je fais chier. Sur Terre comme en Enfer. Et je le vois, dans ses orbes rougeâtres, il veut me tuer. Un désir profond et incontrôlable qui lui vient des tripes, et de son caractère de prince. Je ferme les yeux, attendant le moment fatidique, ...qui ne vient pas. Il me relâche, mes genoux lâchent eux aussi, et je glisse le long de la colonne de marbre. Je patauge nu dans le sang de ce Kalel. Je ne le réalise même pas, je le vois, mais je ne comprends pas. Je crois que c'est ça, être sous le choc.

« Je suis désolé. »

Je détournai difficilement le regard de ce spectacle sanglant pour affronter le regard brûlant de rage d'Azrael. Je me levai, remontai mon caleçon qui se trouvait à mes chevilles, allai prendre le sabre du démon et le lui tendit.

« Je voudrais un bain et un ordinateur, si possible. »

Je devais me raccrocher un peu à mon humanité, sinon c'est la folie qui m'attendait au bout du chemin. Ma voix était neutre, sans émotions. En fait, je ne ressentais plus qu'un calme profond et froid. Je m'étais créé un refuge où je pouvais enfermer cette petite voix dans ma tête, qui, maintenant, hurlait à la mort. Je m'enveloppais d'une indifférence glaciale. C'était la première étape d'une longue descente...

Je passai la veste d'Azrael sur mes épaules, mais ça ne réchauffa pas le froid qui m'envahissait les tripes. J'étais moins nu, mais ça ne me rendait pas moins vulnérable. Je suivis Azrael, docilement, jusqu'à la salle de bain. Il n'y avait pas d'ordinateur en enfer. Bon, c'est pas comme si j'étais réellement surpris, mais ça m'énervait. Quand je suis trop en colère contre moi-même, ou contre les autres, mon ordinateur vient toujours me sauver. Je me concentre sur ce que je fais, je me change les idées en regardant des vidéos stupides, bref, je geek à fond. C'est devenu avec le temps, mon activité préférée. Je ne vivrai certainement pas une éternité sans pouvoir m'adonner à mon activité préférée, c'est certain. Je préfère encore qu'Azrael me décapite sur le champ. Et, je ne dis pas ça à la légère. "Déshabille-toi et va dans le bain...ça te feras du bien." Je regarde mon démon se dévêtir. Il est finement musclé, une peau immaculée qui semble douce au toucher et agréable à lécher et mordre. Si notre relation n'était pas ce qu'elle était, ça ne me dérangerait pas de coucher avec lui. Je le ferais même avec plaisir. Il a de longs cheveux ébènes que j'aimerais bien tirer et utiliser contre lui dans un lit. Bref, mes pensées dérivent, mais mon corps ne suit pas la cadence. Dans l'état où mon esprit est, je n'arrive pas à mettre un peu de positif dans tout ça.

À mon tour, je fais glisser la veste du démon par terre. Je descends mes caleçons jusqu'à mes chevilles et les enlève d'un petit coup de pied. Je passe une jambe par-dessus le rebord de la baignoire, puis l'autre. L'eau est chaude et enveloppe doucement ma peau, tel une caresse bienveillante. Je m'y engouffre avec bonheur. Je me trouve à l'opposé d'Azrael. Je n'allais quand même pas m'étendre contre lui, comme un enfant qu'on console, tout de même. Tranquillement, l'état de choc se dissipe, la petite voix s'est endormie, et une colère brûlante réchauffe mon corps, bien plus que l'eau du bain. Je suis en colère contre moi, principalement, mais je ne peux pas me permettre de me blâmer. Je me donne des excuses. J'étais faible et il a profité de cette faiblesse pour m'attirer dans ses filets. Je lui en veux d'être ce qu'il est. Ma résignation se change bien vite en rage et je la laisse couler vers Azrael, sans dire un mot.

J'aimerais lui demander un million de choses. C'est quoi mon rôle, ici? Ne puis-je pas être son esclave sur Terre? Ne puis-je pas rompre ce foutu contrat tant qu'on y est? Mais, après ce que Kalel a dit, je doute que mon démon soit bien disposé à me laisser partir. Je suis coincé, ici. Je me tais, et entreprends de laver mon visage plein de sang. Quelques éclaboussures ont tachés mes cheveux blonds. C'est difficile à faire partir dans des cheveux pâles. Et merde. Tout, sauf regarder Azrael, sinon, je ne réponds plus de mes gestes. Et, il me tuera. Ça me semble comme un moindre mal, mais je m'accroche fortement, naïvement et désespérément à cette vie, ridicule.

Je continuai de nettoyer ma tignasse de tout ce sang sans lui fournir une réponse. Je ne suis pas très doué pour les explications, s'il ne sait pas ce que c'est, je ne vais quand même pas lui faire un dessin. De toute façon, je suis nul en dessin. Je suis concentré sur ma besogne, qui n'est pas tant me laver du liquide rougeâtre qui me recouvre que d'ignorer assidûment Azrael, quand ma vision périphérique me lance un signal d'alerte. Je suspend mon mouvement et observe mon démon s'approcher de moi, glissant dans l'eau chaude. Je décèle dans son regard une avidité et une petite lueur lubrique. Une partie très précise de mon anatomie réagit au quart de tour. Ouais, bon, ne me jugez pas, ça doit faire des mois que personne ne m'a regardé avec autant de désir. Ce serait très pathétique de ma part de jouer les frustrés et me laisser ensuite toucher et abuser par lui, n'est-ce pas? Je tente donc une vaine tentative de fugue. Un peu trop tard puisque Azrael m'a attrapé les chevilles et m'a tiré contre lui. J'essayai d'avoir l'air buté, tout en cachant mon embarras. Azrael me chuchota doucement à l'oreille des paroles si vraies qu'elles me lacérèrent de l'intérieur. J'étais bel et bien celui qui avait fait cette demande. Il m'avait donné très clairement les clauses du contrat avant que le pacte ne soit réellement conclu. Je l'avais même serrer dans mes bras et remercier. Et maintenant, quoi? Je joue les rebelles en me plaignant? Ce n'est pas lui qui est de mauvaise foi, c'est moi. Plutôt que de me calmer, ça ne fait que m'énerver encore plus. Pas contre lui, mais contre moi, en majeure partie. Mon aversion envers moi-même n'est pas pour diminuer quand il se met à déposer des baisers sur mon épaule, puis le long de mon cou, ses lèvres glissant sur ma joue jusqu'à mes lèvres. Je pousse des soupirs qu'un homme en colère ne devrait pas pousser dans une telle situation. Putain! Si, au moins, je n'étais pas autant à cran sexuellement, ça me faciliterait beaucoup les choses.

Sa langue s'immisça entre mes lèvres, comme lors de ce fameux soir. Je le laissai s'installer à califourchon et jouer un peu avec moi. Je passai mes mains sous l'eau et aller caresser le fessier du démon. Je ne l'avais pas senti l'autre soir, mais sans vêtement, il a une peau très douce. Je le sens trembler de désir. Très bien, on va se faire plaisir, mais il n'est pas question que je sois en position de soumis. Je ne l'ai été qu'une fois, et j'ai détesté l'expérience. Et puis, j'ai un peu envie de me venger de lui, même si techniquement ma situation n'est que de ma faute. Rien que la mienne. Je l'embrasse donc et mords sa lèvre inférieure jusqu'au sang. Je veux lui faire mal, et si ça peut passer de façon érotique pour que je ne me fasse pas décapiter, c'est encore mieux. Je libère l'une de mes mains et vint prendre le sexe d'Azrael dans celle-ci. Je commençai un mouvement de va et vient. Mes lèvres glissèrent le long de son cou et j'entrepris de laisser quelques marques rouges sur cette peau si pâle.

« Rien que pour cette fois. »

...ou pas.

Oh oui, c'est ce que je crois. Mais comme beaucoup de mes convictions, je sais que mon ardeur finira par se ternir et je craquerai. Tout ce qui est relatif à la chair, je ne peux pas refuser longtemps, en autant que la personne concernée me plaise. Je ne suis quand même pas une catin tant que ça. Je ne fais pas ce genre de choses avec quelqu'un dont l'apparence me dégoûte. Et, dans le cas présent, le corps d'Azrael était loin de me rebuter. Il était beau, pas exactement mon type habituel de mec, mais je ne peux pas fermer les yeux sur sa beauté. Aussi, j'en profite pour déferler ma frustration et ma rage des derniers mois dans ce début d'ébat. Je passe d'abord mes lèvres gentiment sur sa peau, à la base de son cou et dans le creux de sa clavicule, puis, tranquillement, je me mets à mordre. Mes dents transpercent légèrement la peau du démon. Le goût de son sang roulant sur ma langue par petites doses. Ce n'est qu'après un moment que je réalise que ses blessures cicatrisent aussitôt que mes dents ont libérés la plaie. Je grogne de frustration. Ça ne me sert donc pas à grand chose de le blesser, ça ne lui fait rien du tout, sinon de le faire frissonner encore plus sous le désir.

Bien vite, je ne peux plus toucher à Azrael. Ce dernier a mis le jeu en sa faveur. Je suis obligé de me tenir contre le rebord du bain pour ne pas glisser sous l'eau complètement. Le démon en profita pour caresser ma peau avec ses lèvres et sa langue. Sa langue laissait des sillons de bave sur son passage. Azrael s'amusait avec mes tétons, mais je dois avouer que, si c'est une zone érogène pour bien des hommes, ce ne l'est pas pour moi. J'étais plus excité à le regarder faire que par ce qu'il faisait. Ça ne me faisait rien de plus particulier que lorsqu'il s'appliquait sur d'autres parties de mon corps. D'ailleurs, parlant de ça, il avait commencé à me chauffer sérieusement avec sa main. Je rejetai la tête en arrière, en poussant d'autres soupirs et légers gémissements. Ça faisait si longtemps! Cela faisait un bail que je n'avais couché avec quelqu'un. Et, à cause de ma condition et de ma dépression, je ne m'étais pas non plus masturber depuis quelques semaines. À l'article de la mort, le sexe m'avait semblé bien dérisoire.

"C'est la première fois que je désire aussi ardemment quelqu'un sans oser le prendre de force...pourquoi?"

Je me figeai. Je redressai ma tête et plongeai mon regard dans celui d'Azrael. Ce n'est que des conneries, n'est-ce pas? Il essaie de me convaincre qu'il éprouver quelque chose pour moi, parce qu'il ne veut pas que je me défile à la dernière minute, c'est ça? Je haussai un sourcil sans l'avoir contrôler. Qu'il ne vienne pas me faire le coup du démon insensible qui se trouve un coeur, on est pas dans un roman à l'eau de rose, tout de même! Ou bien... tout ça était vrai et j'étais dans une merde pas possible. Je ne savais pas laquelle de ces deux options je préférais, ni même celle que je choisissais.

« Tu ramollis peut-être avec l'âge. »

Répliquais-je avec un sourire en coin. Ce n'est pas une bonne idée de se foutre de la gueule d'un démon, mais, bien souvent, mes remarques sarcastiques ou blessantes traversent ma pensée bien malgré moi. N'empêche... ce que je dis est peut-être vrai. À force de côtoyer des humains, il a peut-être attraper l'une de nos maladies; les sentiments.

« Si tu ne veux pas me prendre de force, on peut inverser les rôles. »